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Test de Planet of the Apes – Last Frontier : La théorie de la non-évolution

26 novembre 2017
Par Valérie Précigout (Romendil)
Test de Planet of the Apes - Last Frontier : La théorie de la non-évolution

En résumé

En réduisant le gameplay à un stade encore plus embryonnaire que dans les diverses tentatives de films interactifs qui l’ont précédé, Planet of the Apes: Last Frontier pousse le bouchon un peu trop loin en matière de passivité. Non contente de nous assommer par la platitude de son scénario, cette expérience narrative se moque de nous en nous donnant l’illusion d’intervenir sans jamais réellement nous laisser la main sur le développement de l’histoire. Pas sûr que sa sortie réconcilie les joueurs avec un concept depuis longtemps sujet à débats.

Note technique

Les plus et les moins

Les plus
  • Réalisation graphique et sonore plutôt convaincante
  • Pas d'obligation de jouer via l'application mobile (contrôleurs PS4 reconnus)
  • Les vrais choix de fin de partie qui conduisent à des épilogues différents
Les moins
  • Scénario prévisible, quelconque et sans temps forts
  • Protagonistes peu marquants qui ne génèrent aucun attachement
  • Des choix binaires qui n'ont que trop peu d'incidence sur l'évolution de l'histoire
  • Un rythme haché et une passivité qui génère l'ennui
  • Seulement trois à quatre heures de durée de vie
  • L'obligation de tout recommencer depuis le début pour tester d'autres choix et découvrir toutes les fins de l'histoire

Notre test détaillé

À la croisée des genres entre le cinéma et le jeu vidéo, le film interactif n’est jamais réellement parvenu à trouver les mots justes pour interpeller les joueurs au-delà du grand public. Relevant peut-être un peu trop de la cinématique que du jeu, Planet of the Apes: Last Frontier n’opère pour sa part aucun compromis, au risque de laisser tout le monde sur le carreau.
(Test réalisé sur une PlayStation 4.)

Conçu par The Imaginarium, studio responsable de la motion capture de la dernière trilogie cinématographique de La Planète des Singes, Planet of the Apes: Last Frontier ne s’en cache pas : il s’apparente davantage à une expérience narrative qu’à un jeu vidéo. Après tout, le succès des œuvres de Quantic Dream (Heavy Rain, Beyond Two Souls) et des productions Telltale (The Walking Dead, The Wolf Among Us) semble avoir démontré qu’il existe bien un public pour ces softs qui relèguent le gameplay au second plan afin de mieux asseoir leurs ambitions narratives. Mais l’exercice est loin d’être évident, surtout lorsqu’on s’adresse à des joueurs peu habitués à rester passifs derrière leur écran. Alors, en réduisant la notion de gameplay au stade le plus embryonnaire qui soit, Planet of the Apes: Last Frontier se réduit fatalement à une longue cinématique de quatre heures qui nous réveille toutes les deux minutes pour nous demander de faire un choix n’ayant, la plupart du temps, aucune incidence réelle sur le déroulement des événements.

Planet of the Apes

« Winter is Coming »

Présenté comme un simple spin-off, Planet of the Apes: Last Frontier se base logiquement sur une histoire originale située en marge de la dernière trilogie cinématographique de La Planète des Singes. Le titre s’appuie ainsi sur un éventail de protagonistes inédits, bien qu’ouvertement calqués sur ceux des longs métrages, répartis en deux camps (singes et humains) qui font de leur mieux pour s’éviter. Mais à l’approche de l’hiver, les ressources viennent à manquer et la tentation d’empiéter sur le territoire de l’autre devient plus ardue à refouler.

Planet of the Apes

Que l’on ne s’y trompe pas, bien que le contexte des longs métrages ait largement fait ses preuves, l’histoire de Planet of the Apes: Last Frontier se révèle extrêmement prévisible. On cherche vainement les temps forts susceptibles de nous interpeller et les protagonistes nous laissent désespérément de marbre, le soft ne parvenant jamais à engendrer une réelle implication émotionnelle de la part du joueur. Reste une réalisation graphique et sonore plutôt convaincante en dépit des textures que l’on voit régulièrement se charger de manière grossière par couches successives, nous ramenant d’autant plus brutalement à la réalité.

Agir ou ne pas agir, telle est la question

Ceux qui reprochaient aux productions Telltale ou Quantic Dream leur interactivité réductrice risquent de leur découvrir subitement d’innombrables qualités. Car, même si l’on comprend l’idée d’assumer l’absence totale de gameplay dans un titre de ce genre, on pardonne moins les limitations imposées ici en termes de choix.

Planet of the Apes

Sur le papier, pourtant, le fait de solliciter constamment l’intervention du joueur pendant les dialogues en précisant l’attitude induite par la réponse choisie (rassurante, agressive, etc.) paraissait pour le moins pertinente. D’autant que le scénario nous fait changer régulièrement de point de vue en nous plaçant tantôt du côté des singes, tantôt du côté des humains. Autrement dit, il n’y a jamais de bonnes ou de mauvaises décisions, puisque favoriser un camp compliquera forcément la situation de l’autre côté. Mais pourquoi restreindre à ce point les possibilités de choix ? Du début à la fin, la manière dont on peut intervenir ne repose que sur des choix binaires : va-t-on répondre de manière agressive ou conciliante, prendre parti pour untel plutôt qu’un autre, tirer ou ne pas tirer ? Encore plus fermées que les questionnaires à choix multiples des jeux Telltale, les situations de Planet of the Apes: Last Frontier se résument systématiquement à « oui ou non », à « faire ou ne pas faire ». Car même lors des rares séquences d’action, tout ne repose que sur un unique bouton, que nous sommes libres d’activer ou non…

Planet of the Apes

De là découlent des conséquences qui, pour ne rien arranger, n’influent quasiment pas sur le cours du scénario, sauf durant la dernière ligne droite qui s’efforce tout de même de déboucher sur des épilogues multiples. On en ressort avec le sentiment d’avoir perdu notre temps, la passivité exacerbée du soft générant l’ennui au point de nous inciter parfois à provoquer les conflits par simple envie de voir enfin quelque chose se passer. Dépourvu de la moindre tension, Planet of the Apes: Last Frontier voit également son rythme haché par toutes ces prises de décisions fantômes.

Parce qu’il est affilié à la gamme PlayLink, censée attirer les non-joueurs devant la console, le titre met en avant la possibilité d’utiliser un appareil mobile connecté via une application (smartphone ou tablette) pour s’en servir de contrôleur durant la partie. Toutefois, et contrairement à Hidden Agenda, cela ne nous est pas imposé et il reste tout à fait possible de recourir à une manette PS4 classique pour interagir avec le soft. De la même façon, bien que l’interface nous invite à profiter de l’expérience à plusieurs, on peut très bien découvrir le titre en solo. Ce n’est d’ailleurs pas plus mal dans la mesure où, en multijoueur, les choix se transforment en vote avec une décision validée à la majorité, ce qui peut s’avérer frustrant lorsque le contrôle nous échappe un peu trop souvent. Limité à quatre heures de durée de vie, Planet of the Apes: Last Frontier oublie même de proposer un menu chapitré et oblige donc les plus motivés à recommencer l’histoire depuis le début s’ils veulent expérimenter de nouveaux choix dans l’optique de débloquer les différentes fins proposées.

Conclusion

En réduisant le gameplay à un stade encore plus embryonnaire que dans les diverses tentatives de films interactifs qui l’ont précédé, Planet of the Apes: Last Frontier pousse le bouchon un peu trop loin en matière de passivité. Non contente de nous assommer par la platitude de son scénario, cette expérience narrative se moque de nous en nous donnant l’illusion d’intervenir sans jamais réellement nous laisser la main sur le développement de l’histoire. Pas sûr que sa sortie réconcilie les joueurs avec un concept depuis longtemps sujet à débats.

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